NATURES

« Nature: état de ce qui est nait. Je souhaite travailler sur la métamorphose. Je prends comme point de départ les métamorphoses racontées par Nina MacLaughlin dans Sirène, Debout. Ovide rechanté. Dans cet ouvrage, l’autrice interprète certaines des métamorphoses écrites par Ovide en prenant le point de vue des personnages féminins. Je m’intéresse d’abord à la notion d’incarnation. Je me questionne sur les manières de faire émerger des figures. Comment signifier des personnages, des animaux, des divinités, des éléments? Je vais explorer les liens entre formes et matières à travers différents niveaux de signifiance: mimétisme, symbolique, actions relatives aux figures… Comment mettre en danse l’essence de chaque figure? Le premier axe est le travail du corps: exploration d’états, de postures, de mises en mouvements, de gestes et de déplacements relatifs aux figures. A ce travail physique, j’ajouterai une recherche plastique à partir de costumes, d’accessoires et d’objets, comme extensions du corps ou moteurs de mises en mouvement. Je m’intéresse notamment au travail de masque, avec ou sans accessoire et à la peau en lien avec les notions d’apparence et d’enveloppe. Aussi, le mouvement est inhérent à l’action de métamorphose. Chaque transformation revêt une qualité de mouvement et une temporalité spécifique. Les métamorphoses peuvent être subites, plus lentes, fluides ou au contraire laborieuses. Je souhaite travailler à partir de plusieurs actions et mouvements décrits dans les récits de métamorphoses: rotation, basculement, renversement, révolution, chute, tremblement, apparition, disparition, bouleversement, décomposition, recomposition, propagation, contamination… Chez Ovide, les transformations résultent de punitions ou de sauvetages orchestrés par les divinités. Il s’agit donc d’impulsion extérieures. J’ai également envie d’aborder la question du temps. Dans le monde vivant, c’est la notion d’existence avec son évolution de formes: naissance, croissance, vieillissement, mort jusqu’à une possible réincarnation. Sont en jeu les notions de continuité et de rupture, de la persistance d’une essence malgré des changements d’apparence. Je m’intéresse également aux métamorphoses choisies, liées notamment au genre. Je souhaite mettre ensemble ces types de métamorphoses dans un jeu de tissage et de correspondances. Enfin, je me questionne sur les manières dont peuvent raisonner ces récits mythologiques avec le monde d’aujourd’hui. Je m’imprègne des idées sur la continuité et l’interdépendance des espèces vivantes et non vivantes développées par le philosophe Emanuele Coccia dans Métamorphoses: « La métamorphose est à la fois la force qui permet à tout vivant de s’étaler simultanément et successivement sur plusieurs formes et le souffle qui permet aux formes de se relier entre elles, de passer l’une dans l’autre. » Sur le plan chorégraphique et dramaturgique, j’imagine explorer ces idées en faisant se rencontrer la dimension mythique avec une esthétique du quotidien contemporain et le caractère poétique de la danse et du vivant avec le modelage brut de la matière corporelle et des objets »